1 mai, 2020

LEÇONS DE HOCKEY D'UN PSYCHIATRE CANADIEN POUR FAIRE FACE À L'ANXIÉTÉ DE LA COVID-19

Conseils du Dr Thomas Ungar, professeur en Psychiatrie de l'Université de Toronto, pour faire face à l'anxiété liée à COVID-19
Santé Mentale
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Cet article a été rédigé par le Dr Thomas Ungar, professeur agrégé, Psychiatrie, Université de Toronto.

Comme beaucoup d'enfants qui ont grandi au Canada, j'ai souvent rêvé d'être un héros de hockey. Au cours de nos parties quotidiennes de hockey dans la rue, entre les cris «une auto», je m’imaginais être, Orr, Howe, Lafleur et Salming jouant pour Équipe Canada, contre l’équipe ennemie. Maintenant, en tant que médecin psychiatre de 57 ans, je joue (ou j’essaie de jouer) encore au hockey dans une ligue de garage. J'ai eu affaire avec des grands du hockey, mais je n’en ai jamais fait partie. J’ai joué au hockey dans la ligue locale pour la légendaire St. Michael’s de Toronto, où un membre du Temple de la renommée et ancien entraîneur des Leafs, Red Kelly, était assis derrière notre banc pendant que son fils faisait partie de l'équipe. J'ai été exclu des essais de l'équipe de hockey de l'école secondaire Forest Hill par mon professeur d'éducation physique, le célèbre entraîneur gagnant d’une Coupe Stanley, Mike Keenan. Il nous a également enseigné les «petits oiseaux et les abeilles» en classe de santé, y compris comment appliquer un prophylactique (maintenant appelé préservatif) en utilisant un accessoire en bois comme aide pédagogique. La Commission Scolaire de Toronto d'aujourd'hui en serait outrée. Je prends un secret plaisir à ce souvenir chaque fois que je l'entends appelé par son surnom, « Iron » Mike.

Si jamais j'avais la chance de vivre mon rêve d’enfance de joueur de hockey, je le ferais. Mais aussi formidable que cela puisse être, je serais effrayé, anxieux et inquiet.

C’est la nature de l’anxiété. C'est semblable à ce que je ressens et j'observe chez les autres pendant la pandémie de la COVID-19. Comme la plupart d’entre nous, je m’inquiète du bien-être de ma famille, de mes collègues et de moi alors que je vais travailler à l’hôpital presqu’à tous les jours.

Voici ce que je sais de la peur, de l'anxiété et de l'inquiétude en tant que psychiatre. La menace existentielle pour notre bien-être est réelle. Le défi consiste à garder l'inquiétude et nos actions à ce sujet proportionnelles et équilibrées à la menace. La peur, l'inquiétude et l'anxiété sont des instincts de survie normaux et anticipés qui déclenchent les réactions de se battre/se sauver/s’en faire que nous ressentons dans notre corps, nos pensées et nos émotions.
 

 
«Durant cette pandémie, soyons fiers et trouvons un sens à notre combat pour la santé canadienne, de toutes les manières possibles dans chacun de nos propres petits univers. Adaptez-vous et apportez les changements nécessaires à ce que vous pouvez.»
 

Voici comment je ferais face à l’anxiété bienvenue de mon rêve de joueur de hockey dans l'espoir que l'analogie offre quelques leçons et stratégies pour nous aider tous avec notre angoisse naturelle et normale face à la COVID-19:

Se battre - pour affronter l’équipe rivale et l’ennemie, je me préparerais au combat. Je donnerais tout et je patinerais fort. Je me concentrerais sur ma position, sur ce que je pourrais contrôler, je ferais des passes rapides et le plus souvent possible, je tiendrais compte des commentaires de l’entraîneur pour doser mes efforts et espérer un rebond chanceux. Les buts de trop seraient mon meilleur espoir. Porter le rouge et le blanc aurait une grande signification, j’y prendrais une immense fierté, et je pleurerais probablement durant l'hymne nationale.

En ce moment, les couleurs de mon équipe d’hôpital sont différentes, mais en tant que travailleur de la santé, je suis fier de trouver un sens et un objectif à ce que mes collègues et d'autres travailleurs essentiels et fournisseurs de services font pour servir les patients, apporter de l’eau au moulin et du pain sur ma table. Dans cette pandémie, soyons fiers et trouvons un sens à notre combat pour la santé canadienne, de toutes les manières possibles dans chacun de nos petits univers.  Adaptez-vous et apportez les changements nécessaires à ce que vous pouvez. Soyez créatif. Vous êtes plus fort que vous ne le pensez. Lavez-vous les mains, distancez-vous physiquement et restez à la maison.

Se sauver - personne ne veut recevoir une rondelle en plein visage. Je ferais de mon mieux pour m’enlever du chemin. J’esquiverais, me dandinerais, porterais une visière ou une grille. Si Slava Fetisov se dirigeait vers moi, je me baisserais ou changerais de direction, et ne me gênerais pas pour essayer un « spinorama » Savardien. Je me présenterais malgré le risque, et jouerais simplement le plus prudemment possible. Pour la COVID-19, l'anxiété vous dit d'essayer de rester à l'écart pour vous protéger. Lavez-vous les mains, distancez-vous physiquement et restez à la maison. Enlevez-vous du chemin et essayez de protéger vos coéquipiers.

S’en faire– j’aurai peur peu importe. J’arriverai à la patinoire 2 heures avant car je m'attends à devoir m'habiller et me déshabiller plusieurs fois pour courir aux toilettes à plusieurs reprises. Je m'attends à avoir le cœur qui bat très vite, à respirer rapidement, à avoir les muscles tendus et probablement à transpirer avant l'échauffement. Je vais me rappeler d'identifier et d'accepter l’état de mes nerfs comme quelque chose de désagréable mais anticipé. J'accepterai de trembler avant le match et je me rappellerai et me pardonnerai d'avoir prédit un match moins que parfait. Je sais que je serai nerveux, mais je n'aurai pas l'intention d'appeler le psychologue de l'équipe ou de penser à tort que j'ai soudainement développé un trouble.

L'anxiété face à la pandémique de la COVID-19 est similaire. Elle peut inclure des symptômes physiques typiques comme des battements de cœur, une respiration anxieuse, des papillons ou des maux d'estomac, des nausées, de la diarrhée, des muscles tendus, des maux de tête, de la fatigue, des sueurs, des picotements qui réduisent et interfèrent avec le sommeil et l'appétit. Cela peut déformer notre perception cognitive et notre jugement pour se concentrer trop sur le négatif et ignorer ou ne pas voir le positif et nous faire sauter à des conclusions catastrophiques. Elle peut rendre les émotions à fleur de peau, nous rendre angoissé, irritable, avoir la mèche courte, être à plat, en larmes et à se sentir dépassé.

Nous rencontrons de nombreux défis, y compris des difficultés à dormir, et devons accepter et reconnaître que c'est une partie désagréable et indésirable de ce que nous traversons. Nous n'avons d'autre choix que de faire face à l'anxiété, de la normaliser et de l'accepter ainsi que les adaptations et les imperfections qui accompagnent cette période. Cette anxiété et inquiétude n’est pas une maladie mentale. C’est la façon dont nous faisons face et gérons cette anxiété qui sera cruciale.

Les approches humaines saines face à l'anxiété, la peur et l'inquiétude sont de se sentir soutenu en parlant à des amis et à la famille. Aussi, chercher du soutien, faire de l'exercice à la maison ou à l'extérieur en toute sécurité et se connecter socialement tout en se distançant physiquement à l'aide de méthodes virtuelles sont d'autres approches qui peuvent être utilisées.

Pour certains, c’est irréaliste et certains développeront ou rechuteront avec une anxiété clinique, une dépression médicale ou un trouble lié à la consommation de substances. C'est là que mes collègues et moi intervenons. La bonne nouvelle est qu'il y a de l'aide disponible et que cela peut être traité pour aider la plupart des personnes à retrouver leur forme normale et à réduire la souffrance. Si vous vous retrouvez constamment paralysé, impuissant ou déprimé, ou que vous vous sentez désespéré ou suicidaire, alors il est temps de demander de l’aide. Communiquez par téléphone ou en ligne pour obtenir de l'aide, joindre votre médecin de famille ou un autre professionnel. Les services de santé mentale et d'urgence sont ouverts 24/7. Sous les projecteurs de mon rêve de joueur de hockey canadien et durant notre trop réelle pandémie de la COVID-19, j'ai accepté que les choses soient différentes. J'ai besoin de m’adapter et de changer mes attentes. Je ressentirai de l'anxiété, tant la bonne que la mauvaise. Je me battrai du mieux que je peux, sauverai ma peau quand c'est sage de le faire et essaierai de ne pas trop m’en faire en faisant face, en gérant et en traversant cela du mieux que je peux.

Et voilà le trio qui descend sur la glace, Gretzky passe au milieu a Sittler, qui passe en l’air au psychiatre ailier droit, qui déjoue la défense, lance et compte! Et c’est le but!!!

Pour parler à quelqu'un immédiatement, contactez votre ​ligne de soutien en cas de crise local e au 1-866-277-3553.

Si vous craignez que la vie d'une personne soit en danger immédiat, appelez le 911 ou allez directement aux services d'urgence.