Jordan est un coureur passionné, propriétaire et gérant de sa propre entreprise, et sobre depuis deux ans. Depuis deux ans, il participe à la course « 282 » au mois de novembre, en mémoire des 282 hommes qui s’enlèvent la vie chaque mois au Canada. Jordan raconte comment après la mort de son père, la course à pied a changé sa vie.
Tout au long de ma vie, je ne me souviens pas avoir vu mon père déprimé. Ce n'est que l'année précédant son décès que j'ai commencé à remarquer que l'alcool et la dépression prenaient le dessus. J'essaie de ne pas laisser cette année définir mon père mais plutôt par toutes les autres années que nous avons passées ensemble, qui constituent mes véritables souvenirs de lui. L'alcool est un poison qui transforme les gens en quelqu'un qu'ils ne sont pas vraiment, et c'est exactement ce qui est arrivé à mon père.
Quand il est mort, j'ai simplement essayé de passer à autre chose aussi vite que possible. Je me suis dit que cela ne m'affectait pas, mais à 26 ans, qui étais-je pour comprendre quel genre d'impact cela allait avoir sur ma vie ?
J'ai fait le party pas mal fort.
Je suis parti en Australie, en quelque sorte pour fuir tout le monde. Mais là-bas, ma dépression et l'alcool ont commencé à prendre le dessus. C'est difficile d'être à l'autre bout du monde, loin de ses amis et de sa famille, et d'ignorer son deuil. Le mot « confusion » est bien trop faible pour décrire cette période de ma vie. Je ne me confiais à personne. Je forçais un sourire, je mentais et je disais que tout allait bien. Comme mon père.
Je me souviens que mon père m'a inculqué ces stéréotypes lorsque je pratiquais du sport. « Si tu n'as pas les jambes cassées, retourne sur le banc. Ne reste pas couché sur le terrain. » À son époque, c'était une fierté de pouvoir se relever tout seul, sans l'aide de personne. Mais notre génération en subit aujourd'hui les conséquences.
Après la mort de mon père, j'ai bu pour oublier et fait la fête pour ne pas penser à ma santé mentale. Je n'avais jamais été aussi déprimé de toute ma vie. Ma petite amie m'a quitté, ce qui a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'ai pris une semaine de congé et je suis rentré chez moi pour obtenir l'aide dont j'avais besoin. M'inscrire au Vancouver Sun Run a tout changé. J'ai réalisé que courir me procurait une montée de dopamine. J'ai également réalisé que courir avec la gueule de bois était horrible. C'était mon carburant pour rester sobre. Aujourd'hui, cela fait deux ans que je ne bois plus et j'ai l'intention d'aider les gens à réaliser qu'il y a dans la vie plus de raisons de sourire que de boire.
J'aimerais pouvoir partager beaucoup de choses avec mon père. Comme le fait que la sobriété est en train de gagner. Si je pouvais revenir en arrière, je l'aiderais à comprendre que la première victoire, c'est d'arrêter de boire, et que les victoires s'enchaînent ensuite.
Mon père travaillait dans une raffinerie de pétrole. Cette industrie a toujours été confrontée à des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Si le gouvernement aidait à mettre en place des groupes de soutien ou des ressources en santé mentale facilement accessibles dans ce type d'industrie, nous verrions des changements. Nous avons besoin d'une stratégie en matière de santé masculine au Canada, car les problèmes de santé mentale sont très courants chez les hommes et le suicide est la quatrième cause de décès chez les hommes au Canada. Si nous pouvons atteindre les pères qui ont du mal à emmener leur enfant au hockey à cause de leur anxiété, ou l'homme qui va travailler malgré la dépression qui le ronge, nous contribuerons à sauver plus de vies.